L’histoire de Romainmôtier telle qu’elle figure sur le site notrehistoire.ch, racontée par Claude Kissling.
Au début du Ve siècle, un jeune homme d’Izernore, près de Nantua dans l’Ain, s’en vint frapper à la porte du couvent d’Ainay à Lyon. Il s’appelait Romain. Sa vocation lui apparut alors: il allait consacrer sa vie à Dieu. Il se fit ermite dans un vallon sauvage du Jura, à Condat (aujourd’hui Saint-Claude). Bientôt son frère Lupicin le rejoignit. Une petite communauté se rassembla autour d’eux, vers les années 430; le nombre augmentant, elle essaima bientôt sur les bords du Nozon. Le nouveau monastère prit le nom de son fondateur: Romainmôtier, le monastère (ou moutier) de Romain. A quelle époque? Avant la mort de Saint Romain en 467, soit aux environs de 450.
Les moines auraient pu se fixer à quelques kilomètres de là: le site des Clées, dans les gorges de l’Orbe, offrait un lieu aussi sauvage que Condat. Ou bien ils auraient pu s’installer un peu au-dessus, à un ou deux kilomètres seulement, là où se trouvent actuellement les villages de Juriens et de Premier: ils y auraient joui d’un paysage grandiose, tout le plateau suisse, les Alpes, le lac Léman et celui de Neuchâtel… Ils ont préféré cet humble vallon, sur les premiers contreforts du Jura, où tout incite au recueillement et à la prière. Il faut ajouter que deux routes passaient à proximité, l’une menant de Genève à August (Augusta Raurica près de Bâle), longeant le pied du Jura, l’autre remontant de Rome vers la France par le Grand-Saint-Bernard, Lausanne et Orbe (Urba), petite ville romaine à huit kilomètres de Romainmôtier.
Prière, défrichage des forêts, hospitalité, voilà comment les moines servaient le Seigneur. Un petit oratoire, quelques bâtiments se dressent bientôt. Mais tout est détruit probablement vers 610 par les Alamans.
En 630, grâce à la générosité d’un seigneur bourguignon, Félix Chramnléne, a lieu une seconde fondation par des disciples de saint Colomban. Saint Wandrille y passa dix ans, de 636 à 646, avant d’aller fonder l’abbaye de Frontenelle en Normandie. On construisit alors la deuxième église. L’abbé s’appelait Gudinus; nous retrouverons son nom gravé sur l’ambon.
Au huitième siècle, les moines adoptent la règle de saint Benoît. En décembre 753, le pape Etienne II, qui se rendait en France pour sacrer Pépin le Bref, roi des Francs, procède à la consécration de l’église, dont le chœur avait été construit. Le pape dédie l’église aux apôtres Pierre et Paul et décide que Romainmôtier ne sera plus Romani monasterium, le monastère de Romain, mais Romanum monasterium, un monastère qui dépend directement de Rome.
Le neuvième siècle vit Romainmôtier tomber entre les mains de Rodolphe Ier, roi de Bourgogne transjurane, qui le cède en 888 à sa sœur Adélaïde. Celle-ci le donne aux moines de Cluny. L’acte de donation, daté du 14 juin 928, se trouve aux archives de l’Etat de Fribourg.
La troisième église est l’église actuelle. Elle fut construite entre 996 et 1028. Au douzième siècle Cluny comptait près de 2000 couvents en Europe. Romainmôtier fut le septième monastère à entrer dans l’Ordre de Cluny et trois grands abbés clunisiens, saint Mayeul, saint Odilon et saint Hugues, assurent personnellement la direction du petit prieuré. Saint Odilon y séjourna même plusieurs mois. Puis cinquante-trois prieurs se succédèrent jusqu’à la Réforme. Trois grands noms se détachent: Henri de Sévery (1371-1379), Jean de Seyssel (1380-1432), Jean de Juys (1433-1447). Romainmôtier tombe ensuite entre les mains de la Maison de Savoie et c’est la décadence avec les prieurs commendataires, parmi lesquels on relève Amédée VIII qui devint l’antipape Félix V. Théodule de Riddes, le dernier prieur, est résidant.
Le 22 mars 1536, les envahisseurs bernois qui imposent la Réforme au pays, occupent Romainmôtier. Le 24 décembre 1536 ordre est donné de supprimer le culte catholique. Le 3 janvier 1537 Théodule de Riddes meurt et la vie monastique cesse à Romainmôtier. Autels et statues sont décrochés, l’église paroissiale détruite. L’église conventuelle est badigeonnée à la chaux et devient église paroissiale. Le narthex inférieur est transformé en cave et le narthex supérieur en grenier à blé.
Entre 1899 et 1914 a eu lieu la restauration de l’église : fouilles du sol pour retrouver les fondations des églises précédentes, décapage de la chaux qui recouvrait les murs, remise en place du mobilier… En 1952 on fêta solennellement le 1500e anniversaire de la fondation de Romainmôtier.
Le 15 octobre 1972, ce fut la dédicace du grand orgue à quatre claviers manuels, conçu par frère Jean-Luc de Taizé, et construit par la manufacture d’orgues Neidhardt et Lhôte, à Neuchâtel.
Romainmôtier n’est pas un musée, mais quinze siècles de cultes divins ininterrompus en ont fait un haut lieu de la prière.
Devenu en 1536 paroisse de l’église réformée vaudoise, il rassemble aujourd’hui dans son sanctuaire les habitants de cinq communes. Depuis bien des années on prie ici pour l’unité des chrétiens et on œuvre pour le renouveau liturgique.
Avec l’accord de l’évêque et les autorités de l’église réformée vaudoise, une petite fraternité œcuménique s’est établie à Romainmôtier depuis le printemps 1973. Formée de diaconesses de Saint-Loup et de religieuses appartenant à la congrégation des Sacrés Cœurs, cette fraternité prie trois fois par jour dans l’église et assure l’accueil des nombreux visiteurs attirés par la qualité exceptionnelle de l’abbatiale.
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